Le Pardon

Le pardon est un maître et, si nous le voulons, nous pouvons être ses élèves pour la vie. Mais il a en lui-même peu de signification tant que nous ne le ramenons pas à une dimension personnelle, à travers les évènements du quotidien. Il ne peut exercer vraiment son pouvoir de guérison que s'il change notre manière d'envisager la vie.

Chaque être humain cache au fond de lui une part de ressentiment, avec la sensation parfois pesante que celui-ci retient notre énergie vitale prisonnière des torts du passé. Que nous ayons été victime ou "bourreau", le pardon (celui qu'on s'accorde à soi ou qu'on accorde aux autres) est la clé qui ouvre la porte de la prison intérieure. En d'autres termes, c'est une affaire de responsabilité personnelle qui nous conduit au mystérieux pouvoir de guérison du pardon. Mais comment commencer à l'assumer réellement?

Beaucoup d'entre nous réduisent le pardon à un fait ponctuel.

Des expériences de vie, une période de souffrance qui refont surface peuvent nous conduire à adopter une attitude ayant les apparences du pardon. Nous cherchons à minimiser l'évènement, à assumer une responsabilité inutile ou à amoindrir l'impact d'une relation.

Quelle que soit la façon dont on l'exprime, il s'agit d'une tentative pour identifier une souffrance passée tout en la contournant. En refoulant ainsi les expériences douloureuses sans chercher à en connaître la signification profonde, on laisse le ressentiment couver profondément en soi, bien caché, jusqu'à ce qu'il se manifeste brutalement par divers symptômes, y compris la maladie physique et mentale.

Souvent, c'est par incompréhension que la victime porte le fardeau du comportement irresponsable d'autrui. Elle se voit ainsi condamnée à rester aussi impuissante qu'un enfant face à sa vie émotive. Il ne s'agit pas là de pardon, mais de fuite. Le désir d'échapper à la douleur, quoique tout à fait humain et compréhensible, bloque le processus de guérison et nous empêche de comprendre en profondeur le sens du pardon. Si nous avons le courage d'aller au fond de nos problèmes, guidés par quelqu'un en qui nous avons confiance, nous pouvons éclairer peu à peu les recoins obscurs où se dissimule le ressentiment. Si nous affrontons notre douleur et savons écouter sa voix, nous pourrons entendre les messages cachés, porteurs des vérités dont nous devons tenir compte dans notre vie.

Tout au long de cette démarche, nous saisissons la relation souvent obscure entre le ressentiment et la culpabilité, ce nuage noir qui nous empêche d'exprimer nos dons et nos talents, que de passer au travers d'une nappe de brouillard.

Mais au cours de cette période, il est important de ne pas oublier que le processus du pardon exige du temps, de la patience et une volonté de changement.

On sait qu'on a vécu l'expérience du pardon quand:

Ces quelques exemples montrent que le pardon, ce n'est pas le regard que l'on porte sur la souffrance d'autrui ou la sienne en se disant qu'elle est acceptable. De toute évidence, la souffrance n'est pas acceptable. Mieux vaut tenter de cerner les différents visages du pardon.

Le pardon, c'est l'ange avec lequel nous luttons au cours d'une longue nuit noire, l'ange que nous refusons de libérer avant qu'il ne nous donne sa bénédiction.

C'est le démon que nous rencontrons sur la route, qui exige de nous la rançon du ressentiment et de la vengeance avant de lever les barrières qui nous empêchent de progresser.

C'est la voix universelle qui cherche sans relāche à se faire entendre par-dessus le tumulte des batailles politiques, idéologiques ou raciales. Une voix qui ne peut être entendue que dans les territoires paisibles de l'āme.

C'est une exploration qui nous mène, à travers nos angoisses les plus profondes, jusqu'à l'accomplissement d'un potentiel que nous soupçonnions à peine.

C'est un choix qui peut transformer notre vie, à condition qu'on y adhère par le coeur et l'esprit.

C'est le relāchement des liens serrés par lesquels nous contrôlons nos expériences de vie.

Le pardon embrasse du regard la condition humaine, et trouve des pousses bien vivantes même dans les jardins les plus dévastés. Il a le visage des membres de notre famille, de nos collègues, de nos voisins, de nos amis les plus chers, de nos ennemis mortels. Il prend la forme voulue, quelle qu'elle soit, pour que nous en retirions la leçon.

Le pardon, c'est le lever du voile qui transforme la tragédie en occasion de grandir, la perte en don, la crise en réorientation et l'échec en réussite.

de Maggie Victor.




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